Paroles de Megapocalypse

Herbert Pagani
Tout a commencé, le mardi 6 décembre, il neigeait ce soir là, des flocons couleur cendre, sur la ville oxydée que traquait le destin.
Notre siècle courrait, gigantesque bolide, sans contrôle et sans frein vers le mur du suicide, le destin l'attendait, chronomètre à la main.
Il a suffit d'une coïncidence, une grève du rail, une grève des bus, la chaussée qui patine sur la neige trop dense et la ville se paye un premier infarctus.
Comme un fleuve de taule pris au piège des glaces, 10 millions de voitures se banquisent sur place, 1h qui passe, 2h qui passe, 3h qui passe, personne n'avance d'un pas !
« Nous informons les voyageurs en partance pour Varsovie, Leningrad et Moscou que le vol 608 a un retard illimité. La compagnie Europair invite ses passagers à rejoindre les salles d'attente. »
« Allo allo 713, ici fréquence hélicopolice, à tous les hélicoptères en vol, attention, donner priorité absolue à la recherche voiture gamma bleu, transportant personnel de relève de la tour de contrôle aérodrome ouest. Au dernier top, cette voiture serait pris dans un embouteillage de l'axe Nord-Sud. Fréquence hélicopolice répète, attention, priorité absolue à la recherche gamma bleu »
- Allo Granier ?
- Ouai
- Vous avez repéré l'équipe de la tour de contrôle
- Désolé on fait c'qu'on peut, vous voyez bien que c'est une pagaille invraisemblable
- Démerdez vous Granier ça urge, si vous ne les trouvez pas, on va à la catastrophe. Mon équipe de jour tire sur le tas depuis 16h, 16h vous m'entendez. Ils sont au bout du rouleau
- J'ai 15 hélico sur le coup, j'peux pas faire mieux, c'que j'vous propose c'est de tenter les radios, ça me paraît la seule chose utile en ce moment
- Tout ce que vous voulez, tentez tout ce que vous voulez Granier mais trouvez les. Si ça craque ici, ça va craquer partout !
Un avion arrive, un avion repart. Flambe les ogives, tournent les radars.
Minuit, une heure du matin, deux heures du matin, trois heures du matin...
- Vol 314 attendez votre tour 314, 4 min d'attentes, j'ai dit 4 min d'attente. Désolé vol 827 je n'ai pas de piste, tournez en attendant
- I repeat [...]
- Allez allez-y 314, non j'ai dit 314 pas 524, 524 remontez remontez, vous m'entendez remontez
Cadence d'enfer à la tour de contrôle, les chiffres cavalent, les ailes se frôlent.
L'équipe résiste mais juste à 5h, un gars de l'équipe commet une erreur. Un Bango 60 qui venait des Antilles et un Super M* qui partait pour Bali, se prennent les ailes, s'embrasent en plein ciel.
Carcasse triple de ferraille, percutent au cours de leur descente, un bras de la centrale 40 en super électro-pagaille.
L'Europe thermonucléaire, reçoit par tout ce choc sauvage et à la vitesse de la lumière, la balle se propage et c'est France, Allemagne, Italie, Benelux, Angleterre, c'est l'Europe entière qui est plongée dans le noir en un seul instant, en un seul instant.
De Copenhague à Paris, de Madrid à Berlin, de Stockholm à Milan, de Bruxelles à Londres, et de Rome à Dublin. C'est le début de la fin.
Monde civilisé, tu misais sur tes câbles, l'énergie t'a manqué, te voilà misérable.
Dix millions de passagers se trouvent prisonniers du métro, rayon X au monde acier, s'arrêtent dans tous les hôpitaux. Le rythme de la neige est régulier. Le thermomètre lâche ses degrés.
Dix taudis jusqu'au gratte-ciel; silence des télés des radios, jusqu'au ventre des tunnels, le gel fait éclater les tuyaux. Et tous les chasse-neige sont bloqués.
Quand l'hiver te * les doigts, on se chauffe avec c'qu'on peut, on brulerait n'importe quoi, pour faire du feu. Le nylon adore les flammes, et les flammes adorent la nuit, nuit nouvelle et nouveau drame : les incendies.
Et le lendemain, sous un ciel de Norvège, on a vu la cité, qui flambait sous la neige.
Chapitre suivant.
A l'aube du 3ème jour, victimes 20 000 environs, les autres restent sans secours, sans vivres et sans informations. Ces millions de naufragés, s'obstinent au bout du téléphone, le même disque monotone, répond à tous les abonnés :
« La liaison que vous demandez étant perturbée, nous vous prions de ne rappeler qu'en cas d'urgence. La liaison que vous demandez étant perturbée, nous vous prions de ne rappeler qu'en cas d'urgence... »
- Alors c'est décidé ?
- Oui couvre bien les enfants, on y va.
- Mais il y a toute la ville à traverser tu te rends compte.
- Mais on peut pas rester comme ça comme des imbéciles sans savoir ce qui leur est arrivé.
- Bon d'accord on y va.
Seul ou en cortège, homme, femme, enfant, s'aventurent dans la neige.
Seul ou en cortège, les humains perdurent, cherchent à rejoindre leur tribus.
- Maman, maman
- Dieu, dis nous quel crime fut commis, pour que ta grâce nous oublie. Sans une chance de survie, sans abris, sans merci, Monsieur, Madame on n'est que trois, et notre gosse meurt de froid. Ouvrez la porte, ouvrez moi. On cherche asile pour rien qu'une heure, ayez du cœur ouvrez, ouvrez la porte ! Ouvrez, ouvrez, ouvrez, les salauds, ils sont là mais ils veulent pas ouvrir !
- Tu peux crever la gueule ouverte
- On n'a plus rien à vous offrir !
- Allez fous le camp ou j'tire !
Et voilà les revolvers, qui se gavent de munitions, je te creuse une boutonnière pour 2 tranches de jambon.
Et voilà les tours d'hier qui se dressent en château fort, les vivants se font la guerre, on ne compte plus les morts, la guerre a commencé. Oui la guerre a commencé.
La ville est retombée dans un étrange Moyen-Age. Les supermarchés sont les * du pillage. Les forces de police ont employés les grands moyens. La faim systématique multiplie les assassins. Les assassins ratissent les quartiers du sud au nord. Far West et moyen-âge court-circuitent dans la mort
Les morts qui s’amoncellent dans les places et dans les rues, appellent des gourmands dont on ne se souvenait plus. Les rats, oui par milliers, les rats remontent à la lumière, avec la rage en fond, avec la peste en bandoulière
- Mon fils, mon fils, il est mort
- Des milliers morts, des milliers de morts partout, l'Europe est déserte. C'est à cause des arabes !
- C'est la faute aux juifs !
- On va tous crever !
Porte de la mort, porte qui gardait l'entrée des terres du pardon, portes de la mort, ouvrez vite, un fleuve vous inonde. Porte de la mort, un dernier effort pour cette ultime cargaison. Un dernier effort, tout le monde passe à l'autre monde
[Latin]
Mon petit enfant, te rappelle tu la longue fuite dans la nuit, dans ce vieux camion pleins de bagage. Nous qui conduisions, et toi qui dormait emmitouflé dans l'édredon, qui te sert encore les nuits d'orage.
Nous avions tout prévu, l'accident, la tempête, pour prévoir l'inconnu, il faut être poète, les poètes sont rares, et sur 30 millions, nous sommes 300, dans ce vieux monastère, rescapés du néant, héritiers de la Terre. Terre, ma terre, tout reste à faire.
Venez tout mes frères, mes frères, mes frères, mes frères...
Regardez bien, Mégalopolis, squelette de béton, qui gît dans la vallée, où les voitures se roulent au fond des précipices, et l'air reconquière l'asphalte et le pavé, éclate le ciment, les arbres refleurissent, et les oiseaux ratissent un ciel enfin lavé.
Nous sommes les chevaliers de la table rase. Cette année 01 est notre seconde chance, et nos bras, nos mains vont finalement servir à quelque chose !
Au printemps d'après la fin du monde, nous danserons dans la rosée, et célèbreront les premières chaleurs, en plongeant tout nus, dans la gorge des fleurs.
Au printemps d'après la fin du monde, tous dans les vignes du seigneur, à chanter en cœur, à compter les amants, et en attendant se saouler de couleurs;
Terre, terre, fiancée du printemps.
Terre, terre, terre, c'est tes enfants qui t'apprendront la ronde folle des saisons, de la lune d'hiver au soleil des moissons.
Au printemps d'après la fin du monde, dans les arènes de l'orient, nous applaudirons les couchers de soleil, comme on applaudit les artistes plus grands.
Terre, terre, terre, c'est tes enfants qui t'apprendront la ronde folle des saisons, des diamants de l'hiver jusqu'au feu des moissons.
Regardez mes frères, tourne la terre, comme la vie !
InterprèteHerbert Pagani
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