Paroles de La première communion du gamin

CHEPFER Georges
La Première Communion du Gamin
Paysannerie Lorraine dite par l'auteur
C'est une paysanne qui parle
Eh be ! pour une fois que vous venez nous voir tous les deux mes pauv' cousins. C'est pas de chance, hein ! Vous arrivez trop tard. Nous sortons de table. Le banquet est fini.
Non, nous n'avons pas reçu votre lettre. nemme[i] Alphonse ? Pensez voir ! Si on l'avait reçue, on ne vous aurait pas laissé faire vos huit kilomètres à pieds depuis la gare avec tout vot' bagages, bien sûr.
Si seulement vous étiez venu hier. Oh ! jamais que je suis contrariée. J'en aurai une indigestion que cela ne m'étonnerai pas ainsi. Vous qui êtes toujours si honnêtes avec nous.
C'est un sacré tour tout de même de venir à la première communion pour trouver la relavate au pot, comme on dit chez nous Vous devez avoir les estomacs dans les talons, mes pauv gens
Et nous qui avons fait un si bon frichti. Ah, c'est pas tous les jours que nous avons un communiant. He he. Mais je ne veux pas que vous mettiez la margoulette au clou (Appelant) Mère Gogotte, venez voir par ici ! ….C'est notre cordon bleu…Il ne reste plus de quiche au lard pour nos cousins, Mère Gogotte ? Ni de tourte non plus ? Oh quel dommage ! La migaine qui était dessus fondait dans la bouche comme du blanc fromage qu'on aurait fait réchauffer. Il ne reste plus rien, alors ; il y en avait pourtant ! De l'oie en daube qui était si bonne et si grasse que ça vous dégoulinait de chaque cote de la bouche comme une fontaine, et de gros barbeaux de la Moselle, à la sauce matelote, au vin rouge et aux oignons, je les sens encor' ! Et du lapin en gibelotte, qui était à se mettre à genoux devant, et des haricots pillés, de quoi faire de la musique pour tout un régiment. Des rissoles, des fricadelles, de la tétine à s'en relécher les babines, des égrevisses si bien relevées qu'elles vous en emportaient la bouche. Jamais que, c'était bon, Je les sens encor' ! Et de la salade de toutes les paroisses : de la pommée, de la pouillotte, de la doucette, on avait pas regardé à l'ail, ni à l'échalote, je les sens encor' ! Heureusement qu'il y avait du bon petit vin de pays pour faire descendre tout cela ! Et les brioches, les savarins au rhum, les tartes aux quetsches, aux mirabelles. Et la croquante donc ! Une pièce montée, je ne vous dit que ça, avec un petit communiant et son cierge tout là haut, là haut, qui ressemblait à notre Mimile comme deux gouttes d'eau.
Et dire qu'il ne reste plus rien de toutes ces bonnes choses là ! Vous allez nous trouver rudement cheulards[ii], mes cousins. Ah, si seulement vous étiez venu hier. Faut arranger ça ! mais non, vous ne pouvez pas vous coucher le ventre creux. Voyons : un œuf à la coque bien frais d'abord, on en mange pas souvent en ville, une tartine de lait caillé, c'est rafraîchissant ça! et puis un peu de bœuf du pot au feu en miroton, qu'on a fait pour ceux qui voudraient se dégraisser les dents avant d'aller au lit, ça va ti, comme ça ? Une bonne bouteille de vin gris et le tour sera joué.
Ah, si seulement vous étiez venu hier. Pensez ! Vous qui avez fait un si beau cadeau à notre Mimile. Jamais, je n'avais vu une montre qui marque l'heure quand il fait nuit, moi ! Qu'est ce qu'on ne pas inventer aussi bien, elle brille comme un œil de chat. C'es t en argent noirci n'est ce pas ? Oh ! ça ne fait rien, ça ira tout de même avec la chaîne presque en or de son parrain. On peut dire qu'il a été gâté l'enfant là. L'oncle Fanfan lui a donné une épingle de cravate en faux brillant ; la tante Delphine, une douzaine de mouchoirs à carreaux qui venaient de son homme, le cousin Léon un canif avec le manche en cenunoïde[iii], maman cent sous sur son livret de caisse d'épargne, ma sœur son chapelet en os véritable, sa marraine un cierge gros comme un mât de cocagne, et le cousin César, sa vieille bicyclette qui marche encore. il n'y a que les Grappinot qui ne lui on rien donné du tout. Il ne sort que de la fumée de chez les hartares[iv] là.
Si seulement vous étiez venu hier. Je vous ai préparé une si belle chambre. Oh ! Je pense que vous y dormirez bien et que les punaises vous laisserons tranquilles, j'ai brûlé du souffre en veux-tu, en voilà ! On ne peux pas rester deux minutes dans la chambre sans faire atchoum ! Ah par exemple si vous craigniez les cousins, ne laissez pas la fenêtre ouverte sur le fumier, vous ne seriez plus qu'une piqûre. Et puis ne vous effrayez pas si vous entendez du bruit, j'ai déjà attrapé dix petits rats depuis deux jours, c'est une nichée bien sûr. C'est bon, j'enfermerai notre matou avec vous pour que vous n'ayez pas peur. Enfin si vous êtes pris d'un petit besoin, sauf vot respect, ben, vous ferez comme nous, vous descendrez à l'écurie. Faut que rien ne se perde, nemme1 donc ? Ah la campagne ! comme à la campagne !
Et qu'en est ce que vous repartez ? Oh je vous demande ça Car s'il faut vous réveillez, on vous réveillera. La fête est finie, nemme1 ? Tout le monde retournera demain à ses ouvrages. Vous ne nous gênez pas non ! mais ne vous ne gênez pas non plus. Vous n'avez pas besoin d'attendre le train de midi, vous pouvez très bien prendre celui du matin. Mais que je suis donc bête ! Vous pouvez même prendre celui de ce soir, il est encor' temps. Faut justement que l'Alphonse aille reconduire son beau frère à la gare, vous profiterez de la voiture, nemme1 Alphonse ? Il faut vous dépêcher par exemple. Vous casserez la croûte en route, voilà tout.
Alors, à vous revoir cousin, cousine, et à l'année prochaine ne manquez pas pour le renouvellement du gamin. Mais si seulement vous étiez venu hier !
Ooo / ooo
[i] "n'est-ce pas" en patois lorrain
[ii] n.m. Gros buveur, ivrogne.
[iii] vraisemblablement "celluloïd".
[iv] avare (petit dictionnaire du français régional de Lorraine - auteurs Jean Lanher et Alain Litaize).
InterprèteCHEPFER Georges
LabelABL
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